La loi du 11 février 2005 a 20 ans : un premier bilan ?

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Il y a 20 ans, la loi du 11 février 2005 marquait un tournant important  en France pour garantir l’égalité des chances et la participation des personnes en  situation de handicap. L’orientation de la loi annoncée dès son titre marquait un  positionnement nouveau de la société vis-à-vis du handicap. Le concept de société  inclusive était né et ses implications dans tous les domaines de la vie législative  française a impulsé de nombreux progrès grâce à une prise de conscience accrue,  une évolution des mentalités et les avancées de la science. 

C’est cette dynamique en faveur de l’inclusion qui nous a conduits à créer  l’association Hand’Aptitudes en 2009, avec pour devise : « changer le regard sur le  handicap ». Mais ce regard at-il réellement évolué depuis ? Toujours engagé 20 ans  plus tard, HA partage sa réflexion et son expertise acquise dans les domaines de  l’emploi, de l’éducation et de la vie quotidienne. 

Quel bilan HA tire-t-elle de ces 20 années d’expérience dans le champ  de la sensibilisation et de la formation autour du handicap ? 

Changement de perception La société a progressivement  évolué vers une vision plus inclusive du handicap, reconnaissant la diversité  des situations et valorisant les compétences des personnes concernées mais de très nombreux exemples au quotidien montrent la persistance de  représentations négatives liées au handicap. 

Le handicap reste indétrônable sur le podium des   discriminations. En 2023, encore, il occupe la première place, avec 21 % des  saisines adressées au Défenseur des droits (DDD), devant l’origine (13 %) et  l’état de santé (9 %). 1 

Accessibilité universelle : Malgré des avancées, de nombreux bâtiments publics et transports restent inaccessibles, limitant ainsi la  mobilité et la participation sociale des personnes en situation de handicap. Les  dispositifs mis en place souffrent de façon récurrente de dysfonctionnements  divers. 

1 https://informations.handicap.fr/a-defenseur-droits-handicap-encore-n1-des-discriminations-36477.php

A titre d’exemple, la Fédération des aveugles et amblyopes de France (FAAF) publiant les résultats de son Observatoire du respect des obligations en matière d’accessibilité numérique note que seuls 2,52 % des  sites Internet respecteraient pleinement leurs obligations en matière  d’accessibilité 

Accès à l’éducation 2: il est désormais courant de voir des enfants en situation de handicap intégrés dans les classes ordinaires. Ainsi le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a triplé  entre 2006 et 2022, atteignant 436 085 élèves mais la formation des  enseignants et des Accompagnants d’Elèves en situation de Handicap (AESH)  reste insuffisante. Le statut, les domaines d’intervention des AESH (temps  scolaire et périscolaire) constituent encore des freins à la réalisation d’une école  parfaitement inclusive. Dans le domaine scolaire, la notion d’espace capacitant  peine à s’imposer. L’UNAPEI cite les chiffres suivants pour 2023 : « sur 2103  enfants accompagnés par des associations Unapei : 23% n’ont aucune heure  de scolarisation ».  

Cependant, il n’est pas ici question de soutenir une scolarisation  systématique pour tous les enfants en situation de handicap mais un accueil  inconditionnel quand l’examen de la situation de l’enfant le préconise. 

Insertion professionnelle : La loi impose aux entreprises de 20 salariés ou plus d’employer au moins 6 % de travailleurs handicapés,  renforçant ainsi leur inclusion sur le marché du travail et beaucoup d’entreprises  prennent conscience de la richesse apportée par la diversité, avec des  initiatives multiples pour favoriser l’inclusion professionnelle mais citons  l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes  (AGEFIPH) « les embauches de personnes handicapées ont diminué de 6 %  en un an (-4 % pour l’ensemble des publics) : plus de 200 000 demandeurs  d’emploi handicapés ont accédé à un emploi en 2023. Mais y a une  augmentation des maintiens dans l’emploi, +4% en un an ». La mise en place  de référents handicap au sein des entreprises constitue sans aucun doute un  levier essentiel. La professionnalisation de ces nouveaux acteurs s’opère à  travers des actions de formation. 

Droits à compensation : La loi a introduit le droit à la compensation, permettant une prise en charge étatique des surcoûts liés au  handicap, notamment par la prestation de compensation du handicap (PCH)  mais certaines prises en charge restent à renforcer. On peut saluer, à titre  d’exemple, la mise en place de la PCH aidants familiaux 3 et la perspective du  remboursement intégral des fauteuils roulants qui devrait être acté en 2025.  

Droits sociaux : l’allocation adulte handicapé (AAH) déconjugalisée constitue un grand pas pour l’autonomie financière des  personnes en situation de handicap. 

2 https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=21929 

3 Selon le Code de l’action sociale et de la famille : « Est considéré comme un aidant familial, le conjoint,  le concubin, la personne avec laquelle le bénéficiaire a conclu un pacte civil de solidarité, l’ascendant,  le descendant ou le collatéral jusqu’au quatrième degré du bénéficiaire, ou l’ascendant, le descendant  ou le collatéral jusqu’au quatrième degré de l’autre membre du couple qui apporte l’aide humaine et qui  n’est pas salarié pour cette aide ».

Sciences & troubles du neurodéveloppement :  L’évolution des connaissances a permis de mieux comprendre l’autisme, les  DYS, le TDAH… et d’adapter les accompagnements mais un diagnostic plus  rapide, un meilleur accès aux soins et aux aménagements sont essentiels. Des  progrès sont attendus par les personnes concernées, les familles et les  professionnels. 

Accès aux soins : sur ce sujet, on consultera utilement le site du Comité national de coordination action handicap (CCAH) : « Les personnes en situation de handicap développent plus de  problèmes de santé que l’ensemble de la population. Elles consultent plus  tardivement, présentent des situations d’urgence plus fréquentes, des problèmes plus  complexes et sont plus difficilement touchées par les campagnes de prévention. 

Du fait du coût des soins, de la méconnaissance du handicap, du  manque de réponses accessibles et adaptées sur certains territoires, et d’une difficulté  à recueillir l’expression des choix et des ressentis, l’accès aux soins reste pour la  personne handicapée souvent complexe. 

La principale difficulté dans l’accès aux soins tient à l’impréparation,  au manque de formation et d’organisation des professionnels et des structures de  santé pour accueillir et prendre en compte les personnes en situation de handicap. A  cette impréparation s’ajoute l’absence de demandes ou leur expression tardive voire  le renoncement aux soins. Dans certains cas, la douleur elle-même est peu ou  tardivement exprimée, et insuffisamment prise en compte par les personnes et leur  entourage. » 

Comme nous venons donc de l’évoquer, des défis demeurent, nombreux, pour atteindre une société réellement inclusive. Au-delà des lignes  politiques dessinées et des budgets alloués, les dispositifs, actions et mise en œuvre  reposent souvent sur les initiatives de collaborateurs, décideurs, citoyens concernés  et convaincus. 

Toute mise en place d’un dispositif ou création d’un outil destiné aux personnes en situation  de handicap devrait impérativement impliquer ces mêmes personnes à chaque étape du projet,  depuis l’analyse des besoins jusqu’à la conception, la mise en œuvre et l’évaluation. Il s’agit  de prendre en compte leur perception du monde, influencée par leur situation, afin de dépasser  une simple logique d’intégration. En effet, l’intégration reconnaît la personne en situation de  handicap de manière positive, mais dans un cadre conçu par et pour les personnes valides. 

L’objectif est donc d’aller au-delà en intégrant pleinement leur regard et leur expérience tout  au long du processus de création. Cela permet de concevoir des espaces véritablement  capacitants, adaptés à leurs besoins réels. Ce n’est qu’en co-construisant ces espaces avec les  personnes concernées que l’on peut parvenir à une inclusion réelle dans la société. L’inclusion  repose ainsi sur leur participation active à la définition des objectifs, à la conception des  solutions, à leur mise en place et à leur évaluation, garantissant des environnements qui  reflètent et intègrent leurs représentations du monde. 

Comment pouvons-nous, dans les années à venir, repenser nos modes opératoires afin que les  espaces et dispositifs ne soient plus seulement accessibles, mais véritablement conçus pour et  avec tous ?

Ainsi, pour construire une société véritablement inclusive, l’association Hand’Aptitudes  souligne l’importance de poursuivre cette démarche de co-construction en impliquant toujours  davantage les personnes en situation de handicap, par une approche des représentations liées  au handicap, leur construction historique, culturelle, expérientielle et didactique. 

L’inclusion ne doit pas rester un idéal, mais une réalité pour tous. Fabienne

SCHLATTER – Sylvie SALLA 

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